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Interview : « Le formateur à distance est-il un télétravailleur comme un autre ? »

Nous avons interviewé Chantal Conan, consultante et formatrice sur le télétravail

chantal conanChantal Conan est consultante formation en management et protection sociale en Bretagne. Experte sur les questions de télétravail pour avoir elle-même développé ce mode de collaboration au sein de ses équipes, nous avons voulu lui demander les évolutions qu’elle a pu percevoir ainsi que les questionnements des formateurs rencontrés vis-à-vis de leur engament pédagogique durant la période du confinement.


Bonjour, Chantal et merci d’avoir accepté l’invitation de L’Atelier du Formateur pour parler de la thématique du télétravail dans le domaine de la formation. Pourrais-tu dans un premier temps revenir sur le sens du mot « télétravail » appliqué au travail du formateur ?

Bonjour, effectivement cette interview présente une réelle opportunité d’évoquer le positionnement spécifique du formateur dans le dispositif de télétravail.

A mon sens et par défaut, le formateur est un télétravailleur de fait, car il effectue une partie de ses tâches à partir de son domicile ou d’un tiers lieu : d’une part sur la préparation de ses interventions mais aussi sur la gestion administrative de son activité (reporting, facturation, etc).

En outre, sur les sessions longues, il reste en contact avec les stagiaires au delà du temps pédagogique, par mail le plus souvent, éventuellement par téléphone pour des mises au point ou des questionnements.

Par contre ce qui a changé en cette période de confinement c’est la dispense de cours exclusivement via l’utilisation d’outils numériques et de classes virtuelles.

Est-ce que tu as pu au travers de différents retours d’expériences auprès d’organismes que tu accompagnes avoir un aperçu de l’impact du confinement sur leur métier et sur leur manière de faire face à l’urgence ?

Tout comme l’ensemble des salariés, les enseignants et formateurs ont du répondre dans l’urgence et sans préparation à cet inédit et proposer un substitut à leurs apprenants.

Deux sollicitations ont émergées :

  1.  La transformation de formations existantes déjà planifiées avec une transposition des contenus sous une nouvelle forme : digitalisée ou virtuelle, avec un aménagement du temps d’intervention et l’élaboration de supports spécifiques adaptés à la distanciation
  2. De nouvelles commandes des entreprises sur des thématiques conjoncturelles liées au télétravail, à la gestion du temps, au bien être ; des demandes d’opérationnalité pour les collaborateurs, et de réassurance en cette période anxiogène.

Cette situation a demandé beaucoup de réactivité dans l’immédiateté et sans anticipation. Les formateurs ont du apporter une réponse innovante avec des supports numériques à inventer, ce qui a révélé des problématiques liées à la méconnaissance des outils, des difficultés de connexion, des licences limitées en nombre.

C’est le cas d’applicatifs payants qui ouvrent un accès simultané pour un nombre donné d’utilisateurs, ce qui implique que les formateurs doivent anticiper leurs temps de connexion ou y renoncer…

Certains stagiaires ont dû utiliser leurs propres équipements avec des problèmes de compatibilité, de webcam ou de micro… Toutes ces difficultés ont amené les formateurs a proposé des solutions hybrides avec des apprenants connectés via leurs écrans, d’autres via leurs téléphones… ou encore animer des sessions avec comme seul retour : le tchat car la bande passante ne supportait pas la connexion vidéo pour tous…

Quelles ont été selon toi les conséquences dues à ces conditions de télétravail pour le formateur qui devait agir à distance durant cette période de confinement ?

Les quelques situations évoquées illustrent les conditions dégradées de la formation à distance et toute l’ingéniosité et la constance des formateurs pour se réinventer et s’investir dans la continuité pédagogique.

Tous les retours sont unanimes sur la fatigue et l’énergie dépensées pour donner le change et assumer des tâches supplémentaires :

• des heures de préparation et de conceptualisation en plus
• la mise en ligne des supports sur les plateformes
• l’apprentissage des outils numériques en autonomie
• les problèmes techniques sur les démarrages de session…

Beaucoup ont déploré le manque de pratique sur les classes virtuelles mais aussi ses limites : le manque d’interaction au sein des groupes, la coupure avec les stagiaires (l’absence du non verbal…), le décrochage, les relances … Ces formes d’animation ont engendré de la frustration de part et d’autre, formateurs et stagiaires.

Au vu de ses témoignages, quel sera l’avenir de la formation face aux besoins apparus et y aurait-il des pistes d’amélioration à suivre pour faciliter ou favoriser le travail du formateur à distance ?

Ce retour à chaud peut sembler pessimiste dans sa première lecture ; je pense qu’il faut plutôt y voir un accélérateur d’une démarche initiée et différemment appliquée dans le secteur de la formation depuis quelques années …

Ce confinement de plusieurs semaines nous a tous étourdi par sa radicalité et a révélé nos manquements... mais aussi notre réactivité et les solutions possibles.

Nous ne pouvons ignorer l’avancée du digital et toute l’étendue de ses possibles. Le présentiel encore largement plébiscité dans l’apprentissage ne sera plus exclusif : on ne reviendra pas au temps d’avant. Il sera mixé avec le digital. Toutes les solutions de blended learning doivent être explorées. Ce passage obligé repose sur des avantages évidents de moindre coût, de mise à disposition sans contrainte de planning, d’absence de déplacement …

Pour autant, il me semble que nous ne pouvons abandonner définitivement les salles de classe traditionnelles qui offrent la richesse des échanges, la spontanéité et la convivialité. Le rôle pédagogique ne repose pas tant sur l’apport de savoirs que sur l’accompagnement et l’apprentissage du lien social. Un basculement trop brutal pourrait nuire à la qualité des prestations et aux attendus de la formation.
A mon sens, il faut réfléchir à une solution hybride comme il en existe déjà : classe inversée, e-learning, tutoriel, MOOC, AFEST…

On a les outils à portée de main, c’est leur connaissance et leur maîtrise qui manque bien souvent. Je pense à un exemple révélateur de nos lacunes : l’élément de preuve à fournir au financeur, actuellement pour les classes virtuelles certains utilisent des copies d’écran pour avoir les stagiaires connectés et il peut y avoir de nombreux fichiers à rassembler documentant la réalisation des travaux. Cette question est à travailler urgemment.

Cette perspective à court terme induit une formation aux outils numériques, une assistance technique, la mise à disposition d’abonnements payants en nombre, et du temps pour s’approprier ces nouvelles connaissances.

Le confinement a fait émerger de nouveaux besoins en entreprise. L’exigence se porte plus encore sur la réactivité marchande qui passe par l’adaptabilité et l’agilité des collaborateurs et place la formation au centre de ce nouveau dispositif d’apprentissage opérationnel.

Merci Chantal de nous avoir apporté certains éclaircissements sur le rapport du formateur au télétravail et ce thème amenant sans aucun doute de nombreuses questions, nous en rediscuterons avec toi en direct à la rentrée lors d’une prochaine classe virtuelle !


Chantal Conan viendra développer le thème de la formation et du télétravail lors de la première classe virtuelle de l’Atelier du Formateur à la rentrée en septembre.

Si vous êtes intéressé par ce thème, vous pouvez déjà vous pré-inscrire pour le Jeudi 10 septembre à 14h et poser vos questions concernant le formateur en télétravail : https://forms.gle/Spek6tNVobBz6cfA9


 

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